SAVANNAH & SAMANTHA – There’s a few things I need to tell you

J'avais rendez vous en centre ville avec Savannah pour déjeuner. Et pourtant la journée n'avait pas pu aussi mal commencer qu'aujourd'hui. J'avais organisé une soirée pour la semaine prochaine. Un couple de hollandais avaient prévu de faire leur mariage avec toute leur famille ici à New Lagoon. La soirée aurait du être parfaite. Mais je n'avais plus de salle. Celle que j'avais parfaitement choisi et où j'avais négocié un prix plus que négociable venait de me faire faux bond. J'avais donc du rebondir rapidement. J'avais donc été voir Azra en lui expliquant mon problème. Par chance, elle accepta de me louer la salle de la mairie pour la journée souhaitée. J'avais donc tout décoré moi même. J'étais plus que stressée.
Une fois que tout avait été réglé, je pris un café puis jetais un coup d'oeil à ma montre en sursautant. Si je m'attardais trop encore dans mon bureau j'allais être encore en retard pour voir ma petite soeur. Elle savait que la ponctualité et moi on ne s'entendait pas très bien. Je bois mon café beaucoup trop rapidement, manquant de me brûler. J'enfile ma veste en cuir et une écharpe, et je prends mon sac. Je ferme l'agence à double tour et marque mon heure de retour et mon numéro sur une pancarte comme à mon habitude en cas d'urgence vitale. Savannah n'était pas en avance non plus d'habitude, nous allions arrivées en même temps.

Une fois dans le restaurant, on m'indiqua la table en grognant. Oui j'avais trente minutes de retard. Mais le jeune serveur se fit rappeler à l'ordre par son supérieur qui me connaissait parfaitement. J'étais une bonne cliente et les pourboires étaient assez gros pour que je sois considérée comme une cliente privilégiée. Savy n'était pas encore là mais elle arriva cinq minutes après moi. Je l'embrasse pour lui souhaiter un bonjour et souris.

Cela fait plus d'une heure que je t'attends !

Je ris alors avant d'ajouter :

Non je plaisantes. Je viens tout juste d'arriver. Comment vas tu ?

Une heure ? Savannah blêmit, ne sachant guère que répondre à son sœur aînée. Avant de réaliser que cette dernière plaisantait. Très amusant, vraiment. La blondinette secoua la tête, avant de jeter un œil au verre face à elle. Du vin. Rouge. Tout ce qu’elle détestait. Et exactement ce dont elle aurait besoin. Elle n’avait jamais prévu de lui dire pour sa fille. Elle n’était toujours pas sure que c’était la bonne chose à faire. Elle but une longue gorgée, se doutant parfaitement que Samantha allait trouver ça très étrange. Elle n’ignorait pas l’aversion de sa cadette pour l’alcool en général, et pour le vin en particulier. « Comment je vais ? » C’était une question très judicieuse. Elle n’aurait pas vraiment su le dire. Elle déglutit. Elle était incapable de mentir, et encore plus à sa sœur. « J’ai peur. Comme la plupart des gens ici, j’imagine… » murmura t’elle. Elle évita soigneusement de parler des Porteurs. Samantha saurait immédiatement qu’elle lui cachait quelque chose. Ce qui était le cas. Elle lui cachait deux choses mais n’en révèlerait qu’une. « J’ai quelque chose à t’avouer. » Elle déglutit, posant son verre sur la table et fixant sa sœur aînée. « Je sais que tu ne parles plus vraiment à papa… » Plus du tout, et elles le savaient tous les deux. « Tu dois me promettre de ne rien lui dire. » Elle attendit le consentement de Samantha et prit une grande inspiration. « La raison pour laquelle j’ai quitté la fac et la Louisiane n’est pas du tout celle que j’ai dit à papa. » Elle ne donna pas l’occasion à sa sœur de jubiler qu’elle le savait. « Un garçon n’en était pas la seule raison. » Le simple fait de penser à lui, après toutes ses années, lui fit monter les larmes aux yeux. Elle se sentit rougir en réalisant qu’elle venait d’avouer. En partie. Elle renifla, essuyant une larme rebelle qui menaçait de couler sur sa joue. Elle ne voulait pas craquer, mais clairement, parler de tout cela était encore très douloureux pour elle. Elle attrapa la serviette et se tamponna les yeux. Savannah n’était pas aussi forte que Samantha, elle en avait conscience. Et la seule raison pour laquelle elle lui parlait de Brett et de leur fille, c’était à cause de tout ce qui se passait en ville.

Est ce que je devais taquiner ma soeur? Oui.. Avec le temps, j'avais appris à vivre avec elle. J'avais mit trop longtemps à la faire entrer dans mon quotidien. Je ne supportais pas l'idée que mon père ait quitté ma mère pour la mère de Savannah. Tout du moins, c'est comme cela que je voyais les choses. J'avais rejeté la faute sur la fleuriste à tord. Maintenant, nous nous entendions plutôt bien. Parfois nous nous crêpions le chignon pour pas grand chose mais il était remarquable de voir à la vitesse à laquelle nous nous réconcilions. Je voyais l'inquiétude dans ses yeux. J'aurais aimé la toucher pour voir en elle ses angoisses, mais j'étais persuadée qu'elle ne tarderait pas à me dire ce qu'elle avait en tête. Je lui souriais en fronçant les sourcils, me demandant vraiment ce qu'elle avait pour être dans cet état qu'elle tentait tant bien que mal de dissimuler. Elle avait donc peur. C'était donc ça. Parlait-elle de ses pouvoirs? Ou du CMI? ou d'autre chose qui n'avait rien à voir? Je la fixe attendant qu'elle parle après s'être visiblement donné un coup de pouce alcoolisé.

Elle allait m'avouer un secret, si cela n'était pas quelque chose qui s'était passé il y a quelques jours, hypocritement, je le savais déjà. Je hoche la tête comme pour la rassurer, j'accompagne le tout d'un sourire. La voyant très émue, je pris sa main et je compris rapidement ce qui se passait en une fraction de seconde. Je soupirais alors en remettant mon regard sur ma petite soeur.

Ne t'inquiètes pas Sav, je suis là. Respire doucement. On a tout le repas pour en parler. Tu as le coeur gros et je suis là, tu n'as pas à t'inquiéter.

J'avais envie de lui dire que nos pouvoirs n'étaient pas forcément héréditaires, papa n'en avait pas. Du moins, on l'aurait très vite remarqué. Ou Savy l'aurait vu. Enfin bref, j'aurais voulu la rassurer mais je devais faire semblant. Ne rien dire. Pourtant je mourrais d'envie de lui dire que je possédais également des pouvoirs et que dans cette épreuve, elle n'était pas seule du tout.

Tu l'as revu cet homme?

C’était facile pour Samantha de dire ça. Elle n’avait pas de pouvoir et donc, pas d’épée de Damoclès au dessus de la tête. Savannah s’enjoignit à reprendre contenance, car déjà les autres clients commençaient à la dévisager, se demandant pourquoi elle pleurait d’un coup sans réelle raison, tout du moins de leur point de vue. « Je ne suis pas sûre de pouvoir continuer si je ne vide pas mon sac tout de suite. » marmonna t’elle, plus pour elle que pour sa sœur aînée. Qui lui prit la main. Savannah se sentit immédiatement rassurée, à défaut de complètement mieux. Mais la question qu’elle lui posa ensuite refroidit quelque peu son début de soulagement. Elle secoua la tête. « Je… » Elle déglutit, ne sachant guère par où commencer. « Brett a été tué dans un accident de voiture deux mois avant que je revienne ici. » Y repenser lui faisait mal, plus mal qu’elle ne l’aurait cru. Elle s’était efforcée de ne penser qu’à sa petite Marjorie, depuis plus de cinq ans. Jamais à son père. Elle ne serait pas ici si rien de tout ça n’était arrivé, et donc pas dotée d’un pouvoir dont elle ne voulait absolument pas. « Je n’ai pas eu le courage de rester à la Nouvelle Orléans après ça. Ni d’assumer le reste… » Savannah retira sa main et la joignit avec son autre main, sur ses genoux, les pressant l’une contre l’autre, les yeux baissés. « J’ai eu son bébé un mois après l’accident. Ce n’était pas prévu. Mais on en avait parlé, on n’avait pas fait le choix de la garder à la légère. On avait déjà une petite maison, la chambre était prête… » confessa t’elle à voix basse. « Mais quand il est… Mort, je n’ai simplement pas eu le courage de faire tout cela toute seule. On avait tout prévu à deux. J’ai perdu ma mère jeune, je ne m’imaginais pas être mère célibataire. J’ai eu la chance de la connaître, et je ne me voyais pas lui parler de son père sans qu’elle ne l’ait jamais connu. Il était si excité à l’idée d’être papa… » Savannah releva enfin la tête et haussa les épaules.